L’érosion hydrique, l’ensablement, la pollution empêchent sérieusement les écoulements et le maintien des équilibres biologiques du cours d’eau. La sonnette d’alarme a été tirée à l’occasion d’une conférence-débat dans le cadre de la Quinzaine de l’environnement
La protection du fleuve Niger, « artère nourricière du Mali », était au cœur d’une conférence-débat organisée hier par l’Agence du bassin du fleuve Niger (ABFN). La rencontre qui s’inscrivait dans le cadre de la Quinzaine de l’environnement, a eu lieu à la Maison des aînés avec comme conférencier, Moussa Diamoye, directeur général adjoint de l’ABFN. C’était en présence de plusieurs acteurs impliqués dans la protection de l’environnement à l’instar des agents de la direction nationale de l’assainissement et du contrôle des pollutions et des nuisances (DNACPN), ainsi que ceux de la mairie du district de Bamako entre autres.
La conférence-débat dont l’ouverture a été faite par le chef de cabinet du ministère de l’Environnement, de l’Assainissement et du Développement durable Chaka Coulibaly, a permis aux participants de se pencher sur les différentes menaces auxquelles le fleuve Niger est confronté. « Sauvegarde du fleuve Niger, une vision pour un Mali émergent, atouts et perspectives », c’était le thème de cette rencontre à laquelle ont assisté également, les journalistes.
Le fleuve Niger traverse 1750 km du territoire national sur une longueur totale d’environ 4200 km. Il fournit aux populations riveraines leurs moyens de subsistance, notamment en termes de production agricole, industrielle, de commerce, de navigation. Les fleuves Niger et Sénégal drainent en année moyenne 70 milliards de m3 d’eau avec toutefois d’amples variations, 40 milliards de m3 environ entre les années très sèches et celles très pluvieuses.
Cependant le fleuve Niger est confronté à plusieurs «contraintes majeures » communes à l’ensemble des 9 pays qui le partagent. Il s’agit de l’érosion hydrique et l’ensablement, entre autres, qui menacent sérieusement les écoulements, le maintien des équilibres biologiques, les écosystèmes naturels, les habitats et l’ensemble de la vie économique. Au Mali, il y a d’autres menaces qui soumettent le fleuve Niger à un grave risque de disparition comme celles décriées par les participants à cette conférence-débat. L’on peut citer la pollution physique et chimique du fleuve.
La forme physique de la pollution comme le déversement de déchets dans le fleuve ou le déversement de déchets dans les collecteurs (dont les embouchures se trouvent dans le fleuve) favorisent l’existence et la prolifération de la jacinthe d’eau dans le fleuve. La pollution par certaines activités économiques comme la teinturerie, l’urbanisation qui finit jusque dans le lit fleuve (en violation du code domanial), l’insuffisance du nombre d’antennes de l’ABFN, l’application des sanctions en ce qui concerne les contrevenants ont aussi été évoquées par les participants. Ceux-ci ont rappelé aussi l’importance d’explorer la lutte biologique contre les plantes aquatiques envahissantes. Certains intervenants ont exprimé des inquiétudes par rapport à l’apparition d’îlots dans le lit du fleuve Niger.
En réaction à la question relative à l’insuffisance des antennes de l’ABFN qui a en charge la sauvegarde du fleuve Niger, ses affluents, leurs bassins versants sur le fleuve Niger, le directeur adjoint Moussa Diamoye a expliqué qu’après la fermeture de l’antenne de Kangaba, seules celles de Mopti et de Gao sont opérationnelles. Il a annoncé la prochaine réouverture de l’antenne de Kangaba où les populations se refusent à consommer le poisson du fleuve à cause du niveau élevé de pollution chimique dû à l’utilisation du cyanure dans les activités d’orpaillage. Le directeur général adjoint a expliqué qu’à Kangaba, la qualité de l’eau est fortement entamée par des activités liées à l’orpaillage. « Ces activités contribuent à polluer le fleuve », a-t-il expliqué, ajoutant que « la pollution n’a pas de frontière, si on pollue à Kangaba, la pollution ne s’y arrêtera, elle coulera jusqu’à Bamako, et même au-delà, à Gao ».
Abordant la pollution liée à la teinturerie, Moussa Diamoye a informé le public de l’existence d’un projet de l’ABFN qui va mettre à la disposition des teinturières, des infrastructures et des équipements appropriés pour cette activité. Ce projet va aussi s’employer à recueillir et dépolluer les eaux sales de la teinturerie avant qu’elles soient rejetées dans le fleuve.
Le projet de réhabilitation économique et environnementale du fleuve Niger (d’un coût de 36 milliards Fcfa), le projet de dragage du fleuve Niger sur le tronçon Nianfunké- Ansongo (53 milliards de Fcfa), le projet de dragage du fleuve Niger sur le tronçon Kankan- Bamako (120 milliards de Fcfa), le projet d’aménagement et de récupération des berges du fleuve Niger à Bamako (500 milliards de Fcfa), le projet de gestion des eaux usées artisanales dans le district de Bamako (228 600 000 de Fcfa) sont entre autres initiatives pour la sauvegarde du fleuve Niger dont la coordination sera assurée par l’ABFN.
Le fleuve Niger va mal à cause des comportements inappropriés et contraires aux textes, la question de l’application des sanctions à l’endroit de ces contrevenants se pose avec acuité. Sur la question directeur général adjoint a répondu que l’ABFN n’a pas le rôle de sanctionner et que la direction nationale de l’assainissement et du contrôle des pollutions et des nuisances (DNACPN) est la structure nationale qui a cette compétence.
En ce qui concerne la menace liée à l’urbanisation, Moussa Diamoye a affirmé que « c’est une situation qui est gérée par un autre département mais souvent des techniciens font des choses contraires à la loi, tout le monde sait que 25 mètres, c’est la servitude à observer, malheureusement de grandes réalisations immobilières ont leur pied dans le fleuve, et ce n’est pas le citoyen modeste qui peut faire ça ». Mais dans la plupart des cas ceux qui construisent sans tenir compte des distances à observer par rapport au lit du fleuve, disposent de titres fonciers délivrés par des services l’Etat, a déploré Moussa Diamoye. Mais le projet d’aménagement du fleuve Niger (qui va créer de nouvelles servitudes) traitera mieux cette problématique, expliquera-t-il.
Le Mali est un pays sahélien pour lequel l’agriculture est le moteur de l’économie. Pour Abdourahamane Oumarou Touré, directeur général de l’ABFN, le fleuve Niger est à l’agriculture malienne ce que le carburant et le lubrifiant sont au moteur. Sans ce fleuve on ne parlera pas de souveraineté alimentaire
K. DIAKITE
Source : L’ Essor
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