Le Gouvernement et les groupes armés, en se crêpant le chignon pour parvenir à ce qu’on appelle ‘’solution consensuelle’’, pour la mise en place des autorités intérimaires, laissent croire qu’une partie entend s’arroger la part léonine. Et les doigts sont pointés sur les groupes armés qui n’ont jamais fait mystère de leur volonté de faire OPA sur ces Autorités intérimaires pour des raisons de plus en plus évidentes.
La vive tension qui était palpable lors de la tenue de la 8e session ordinaire du Comité de suivi de l’Accord (CSA), les 25 et 26 avril 2016, autour de la double question de la mise en place des autorités intérimaires et de l’opérationnalisation des patrouilles mixtes, n’avait pas baissé d’un cran. Ce qui a conduit les groupes armés (CMA et Plateforme) à suspendre leur participation au sous-comité politico-institutionnel.
La cristallisation des passions
Pour ce qui est des Autorités intérimaires, dont la mise en place se pose avec acuité et déchaîne toutes les passions et les opportunismes du côté des mouvements armés, force est d’admettre qu’un grand pas a été franchi avec le vote par l’Assemblée nationale, de loi portant modification de la Loi n° 2012-007 du 07 février 2012 modifiée portant Code des collectivités territoriales, en sa séance du 31 mars 2016 par 103 voix pour, 0 contre, et 0 abstention, et l’Arrêt de la Cour constitutionnelle qui déclare ladite Loi conforme à la Constitution du 25 Février 1992.
L’autre paire de manches qui s’avère la plus tumultueuse, au regard des appétits aiguisés de la Plateforme et de la CMA, concerne la mise en place effective des Autorités intérimaires dans les 5 régions du Nord, à savoir Tombouctou, Gao, Kidal Ménaka et Taoudéni. Et c’est là où le bât blesse.
Le mode de désignation des autorités intérimaires ne devrait pas donner lieu à une levée de boucliers indignée sur la scène des négociations. La question étant réglée par la Loi. Une note informative du ministre de l’Administration territoriale indique que les membres des autorités transitoires « seront désignés par le Gouvernement, la Coordination et la Plateforme au sein d’un vivier comprenant les autorités traditionnelles, la société civile, les conseillers sortants et les agents des services déconcentrés du ressort de la collectivité territoriale concernée… »
Il devrait en être de même pour la taille des autorités intérimaires. L’autorité intérimaire aux niveaux communal, local et régional, a la même taille que le Conseil communal qu’elle remplace. En fonction de la taille démographique de celle-ci, le nombre sera de 11, 17, 23, 29, 33, 41 ou 45 membres.
Cependant, apprend-on de sources bien informées, le quota à accorder aux structures en charge de la désignation divise. Au sein de toutes les Autorités intérimaires, les groupes armés entendraient s’arroger la part léonine. Ce qui leur permettrait d’imposer leurs vues et illusions. Pour eux, le jeu en vaut la chandelle au regard du plan échafaudé pour faire des autorités intérimaires des substituts de l’État. C’est dans cette logique que des missions d’explorations auraient déjà sillonné certaines capitales européennes à la recherche de partenaires potentiels avec qui passer des contrats d’exploitation minière. Ce qui n’est prévu nulle part dans l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger.
Violation en perspective
A contrario, il y aurait une violation flagrante de l’Accord qui stipule en son article 12 : ‘’sans préjudice des prérogatives de l’État dans le cadre de ses compétences régaliennes, les Parties conviennent de la nécessité d’une consultation entre l’État et les régions sur :
– la réalisation des projets de développement décidés par l’État et les organismes publics ou privés concernant ces entités ;
– l’exploitation des ressources naturelles, notamment minières.
– toute autre question entrant dans la mise en œuvre de cet Accord’’.
Les missions et les responsabilités des Collectivités territoriales, en l’occurrence la région, sont définies dans les articles 8, 9, 10, et 11 de l’Accord. Il n’y est nullement fait cas d’exploitation de ressources naturelles a fortiori de ressources minières.
Précisément, dans la Loi portant Autorités intérimaires, il est clairement dit que l’autorité intérimaire ne peut ni emprunter ni aliéner un bien de la collectivité. Aussi, elle ne peut ni créer de service public ni recruter du personnel. D’une durée, n’excédant pas 18 mois au total, elle aura l’avantage de rester en place tant que les circonstances l’exigent jusqu’à l’installation de nouveaux Conseils.
La même loi précise que les attributions des Autorités intérimaires s’inscrivent logiquement dans la continuité des organes élus, de même que les attributions dévolues aux conseils des Collectivités territoriales. L’on s’explique mal alors que des Autorités qui sont là pour une période intérimaire s’arrogent les prérogatives que même un Conseil communal, démocratiquement élu, ne revendiquerait.
Le plan d’aliénation
L’autre motivation des groupes armés à vouloir contrôler les Autorités intérimaires est que cela leur offre la possibilité de s’aliéner les futures Collectivités territoriales dont ils auront fait élire les membres.
L’on comprend davantage pourquoi la question des Autorités intérimaires est vitale pour les groupes armés qui ont fait une alliance de circonstance pour défendre cet intérêt stratégique qui les lance dans une course contre la montre et dans les surenchères les plus abjectes.
Pour rappel, le nombre des membres de la Délégation spéciale est de 3, 5 ou 7 membres.
Dans la même veine des points qui ne prêtent pas tout à fait à polémique, il y a le vivier dans lequel seront puisés les membres des autorités intérimaires. Il est stipulé qu’ils proviennent des services déconcentrés de l’État, de la société civile, du secteur privé ainsi que des conseils sortants (dont le nombre ne peut dépasser le tiers de l’autorité).
À ce niveau, le consensus est partiel, puisque selon des sources bien informées les ex-rebelles ne voudraient pas particulièrement de membres des conseils sortants, même s’il est consacré que ces derniers, en devenant Autorités intérimaires, sont privés du droit de candidature aux prochaines élections. Ce qui représente un goulot d’étranglement à lever.
L’on comprend que le Gouvernement ne se laisse pas embarquer sur un terrain aussi miné ; suscitant la foudre des groupes armés qui crient au refus de ‘’solutions consensuelles’’. Ce, quand bien même consensuel, selon le dictionnaire Larousse, se dit d’un contrat formé par le seul consentement des parties, sans que la manifestation de ce consentement soit soumise à aucune forme.
Espérons que la rencontre d’Alger de ces derniers jours, avant l’ouverture de la 9e session du Comité de suivi de l’Accord, permette d’accorder les violons et de dégager l’horizon.
Par Bertin DAKOUO
Source: info-matin
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