Secrétaire général de la coalition du peuple pour l’Azawad, Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune fut ce premier ex-rebelle à rejoindre l’accord pour la paix et la réconciliation. Aujourd’hui, il vit à Bamako. Dans une interview qu’il bien voulu nous accorder ce samedi, Mohamed fait l’état des lieux de l’accord dont il est signataire reconnu par l’Etat depuis le 15 mai 2015. Pour celui qui pense qu’une année c’est peu pour évaluer un tel accord, il y a bien eu des avancées dans le processus de sa mise en œuvre. Ce qu’il regrette et qui l’a poussé à claquer la porte du sous-comité politico-institutionnel du comité de suivi de l’accord, à l’instar d’autres mouvements, c’est le manque d’équité de la part du Gouvernement du Mali. Lisez l’interview exclusive.
Un an après la signature de l’accord pour la paix et la réconciliation, où en est-on avec sa mise en œuvre ?
Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune : Tout d’abord, vu les enjeux et les défis, je pense qu’une année après la signature de l’accord, il y a eu des avancées même si tout n’est pas rose. Vous savez, dans cet accord, tous les actes principaux qui doivent permettre des avancées doivent être pris par le Gouvernement. C’est à ce niveau qu’il faut voir l’évaluation de l’accord : qu’est-ce que le Gouvernement du Mali a posé comme acte qui permette d’avancer ? Et qu’est-ce que nous, en tant que mouvements avons posé comme acte en termes de réponse pour permettre la finalité de la décision prise par le Gouvernement ? Sur ce point, je m’explique : nous avons un processus de réforme institutionnelle qui doit être engagé, répondant dans le domaine institutionnel et sécuritaire, par exemples, la loi adoptée concernant la période intérimaire, les décrets portant la commission d’intégration et le décret portant la mise en place de la commission DDR et même le décret portant la mise en place de la réforme du secteur de la sécurité, et aussi la commission vérité justice et réconciliation qui a été mise en place en deux phases de quinze et de dix commissaires… Maintenant, par rapport ces actes posés par le gouvernement, la question c’est aussi de savoir ce que nous en tant que mouvement avons fait pour l’exécution de ces actes. L’autre aspect c’est aussi, est-ce que nous avons communiqué à nos représentants pour la DDR, à la commission d’intégration et aux patrouilles mixtes ? Voilà un certain nombre de questions qu’il faut poser aujourd’hui pour savoir qui bloque quoi, parce qu’il ne revient pas aux mouvements de prendre des actes institutionnels qui sont discutés en amont avec les parties, mais la décision finale revient au gouvernement, qui les a pris. De mon point de vue, il y a eu des avancées, et je pense aussi qu’une année c’est encore peu pour évaluer les effets de cet accord, vue les enjeux et les défis. Nous revenons de très loin, c’est une crise multidimensionnelle qui a complètement mis le pays à genoux, et le pays est en train de renaitre de ses cendres.
Vous admettez qu’il y a eu des avancées alors que le 20 mai dernier vous faites partie de ceux qui ont claqué la porte du sous-comité politico-institutionnel du comité de suivi de l’accord : que s’est-il donc passé ?
En fait, là aussi, il faut faire la part des choses. Nous la CPA et la CMFPR2 au sein de la CMA, faisons partie de ceux qui ont, au cours de la dernière réunion, demandé cette suspension, mais pas forcément pour les mêmes raisons que tout le monde. En ce qui nous concerne CPA et CMFPR2, nous avons souhaité cette suspension tout simplement parce que le gouvernement qui a la responsabilité de mettre en œuvre l’accord, n’est pas équitable dans ses actes. D’abord, nous avions difficilement supporté le fait que nous n’ayons personne parmi les quinze premiers commissaires désignés par le gouvernement au sein de la commission vérité justice et réconciliation. Ensuite, à notre grande surprise, même des faiseurs de thé ont été pris dans d’autres mouvements pour nous ignorer nous en tant que signataires. Cela nous a exacerbés. Et notre gouvernement ne doit pas agir de la sorte. La vérité c’est qu’il faudra craindre la bombe à retardement si le gouvernement ne considère pas et respecte pas ceux qui ont pris le risque sur eux pour faire la paix. Nous représentons des sensibilités, des armées et des réalités, des régions et des opinions. Il faut savoir traiter les gens avec respect et dignité. Par ceci je voudrais dire que cette nomination des faiseurs du thé nous a révoltés et nous ne pouvons pas accepter que ça continue comme cela.
Qu’en est-il de la période intérimaire prévue dans l’accord ?
Justement, certains avaient estimé qu’à ce niveau il se trouve des problèmes. Nous, au niveau de la CPA, pensons que cette question de blocage des structures intérimaires est un faux problème. A cela, nous disons haut et fort avec conviction que ni la loi concernant la période intérimaire ni son décret de promulgation ni le décret d’application ne sont contraires à l’esprit de l’accord. Le gouvernement n’a rien fait à ce niveau qui soit contraire à l’esprit de l’accord, c’est pourquoi nous soutenons cette disposition. Et ce qui est important pour nous à ce jour est que ces structures intérimaires soient mises en place là où le besoin se pose pour la mise en place d’une administration transitoire. Mais l’urgent pour nous aujourd’hui, c’est d’aller vers les élections communales et régionales pour instaurer les organes appropriées.
Il n’y a pas alors d’inquiétudes à ce niveau ?
La chose sur la question nous tirons la sonnette d’alarme c’est que le gouvernement du Mali doit faire beaucoup attention par rapport à l’équité, j’insiste. Le gouvernement sait avec qui il a signé l’accord et il n’y a pas de petit signataire, il n’y a pas de grand signataire. Faisons donc attention au désordre, donc à des éventuelles hostilités.
Et que fait la médiation ?
Notre constat est que la méditation n’a jamais su trancher alors que les textes ne lui permettent pas de tergiverser. Et même quand il était question de la représentativité au sein comité de suivi, il nous a fallu aller au consensus.
Votre mouvement est-il concerné du processus de DDR ?
Nous avons communiqué aux autorités la liste de nos combattants et le matériel sous notre contrôle. Nos combattants sont prêts à cantonner même demain pour commencer les patrouilles mixtes et sécuriser nos régions.
Votre dernier message
Je voudrais dire aux mouvements signataires que nos populations sont fatiguées. Qu’ils comprennent que tergiverser sur cette période intérimaire ne servira à rien. Ce qui est prioritaire pour nous doit être ces réformes institutionnelles. Ce qui est important pour nous ce sont ces mesures dont les élections communales et régionales. Nous ne voulons donc plus de conflits sociaux. Il faut cependant préserver cette cohésion difficilement acquise. En conséquence, soutenons cette loi votée par l’Assemblée nationale et promulguée par le Président de la République. En plus, jouons notre partition par rapport à son décret d’application. Au gouvernement je dis de revoir sa manière de collaborer avec les signataires de l’accord puisqu’il lui revient de préserver la souveraineté nationale. Les gens se sentent frustrés et déconsidérés. Il faut que cela cesse. Enfin, comprenez que, la loi instaurant les autorités intérimaires n’est nullement contraire à l’esprit de l’accord… la bombe retardement c’est le problème d’équité dans la mise en œuvre de l’accord.
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