Face au retard pris dans la mise en œuvre de l’accord d’Alger et surtout à l’insécurité grandissante, la réponse du président malien est apparue à son retour du sommet de la Cédéao tenu à Dakar, comme une somme de faux-fuyants, de prétextes, voire un constat d’incapacité… Mais entre les promesses des fleurs et la roture de la réalité de la gouvernance du pays, les Maliens savent à quoi s’en tenir. Les questions de sécurité ont dominé le sommet de la Cédéao qui vient de se tenir au Sénégal à Dakar. Si les efforts réalisés dans la lutte contre Bokom Haram ont été salués dans le Bassin du Lac Tchad, le Mali, notre pays, semble avoir été rappelé à ses devoirs, voire à ses responsabilités dans la préservation et la consolidation de la sécurité collective dans la communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest.
«Les attaques au nord du Mali, à Bamako, à Ouagadougou, à Grand-Bassam et à Bosso hier seulement, montrent clairement que la menace terroriste reste une source de préoccupation pour notre sous-région. Nous devons y faire face en associant tous nos moyens. Je voudrais spécifier l’action du président Issoufou à qui nous renouvelons notre solidarité et notre soutien», déclarait le président sénégalais Macky Sall.
Si l’action du président Mahamadou Issoufou est à saluer spécifiquement, et qui mérite solidarité et soutien, qu’en est-il des actions du président du Mali ? En a-t-il vraiment posé qui rassure la sécurité collective de l’espace considéré ? Que non semble dire le discours. Il reste qu’à exception du cas de Bosso, les auteurs de toutes les autres attaques terroristes citées sont partis du territoire malien. D’où le courroux de la communauté contre notre gouvernance de la sécurité. C’est pourquoi «Elle exprime sa vive préoccupation, face à la détérioration de la situation sécuritaire au Mali, marquée par la recrudescence des attaques terroristes qui ont visé les forces de défense et de sécurité du Mali, les forces des Nations Unies, la force française Barkhane et les populations civiles. Cette situation constitue une menace pour l’ensemble de la sous-région.»
Au sortir de cette Conférence de la Cédéao, il est attendu des plus hautes autorités maliennes «que les Forces de Défenses et de Sécurité du Mali soient redéployées le plus immédiatement possible sur tout le territoire de l’Etat malien pour face aux ennemis de la paix et protéger les populations aux frontières.» En vérité, l’immobilisme et l’inertie du Gouvernement ainsi que l’incompétence dans la gouvernance du Mali, qui agacent plus d’un chef d’Etat dans l’espace Cédéao et même au-delà, sont ici dénoncés. Le Sommet de Dakar semble avoir sommé le président Ibrahim Boubacar Keita à faire la preuve de sa capacité à gouverner son pays. La lecture du communiqué donne la mesure de ce qu’a pu être le sérieux dans les discussions sur la situation sécuritaire du Mali qui est devenue une menace pour l’ensemble de la sous-région dit le communiqué final.
Que le président IBK s’engage à déployer l’armée et l’administration sur l’ensemble du territoire, atteste l’ampleur des pressions exercées sur lui. Déjà un pays comme le Burkina Faso exige de la Minusma que ses forces figurant dans cette mission soient déployées à ses frontières à partir de l’intérieur du Mali. Une dénonciation polie de l’incapacité du gouvernement malien. Mais pour réponse à l’injonction de la Cédéao, le président Ibrahim Boubacar Keita ne donne que des arguments périphériques. C’est le cas lorsqu’il prétend qu’il n’attendait que la décision de la cour constitutionnelle sur la requête de l’opposition pour aller dans l’application de la loi sur les autorités intérimaires.
Du fait de la requête en inconstitutionnalité de cette loi, IBK voudrait rendre l’opposition responsable du retard accusé dans la mise en place des autorités intérimaires qui sont une violation manifeste de la Constitution du 25 février 1992 quoi qu’en disent des juges de la Cour Constitutionnelle. Dans tous les cas, la sortie du président IBK pose encore la crédibilité de la parole présidentielle, car chacun sait que l’accord prévoit la mise en place des autorités intérimaires trois mois après la signature. C’est dire dans cette logique que lesdites autorités auraient dû être mises en place depuis le 20 septembre 2015. Qu’on nous dise quel acte, les opposants ont pu poser pour qu’il n’en soit pas ainsi ? Le président malien a été rappelé à ses devoirs par ses pairs africains, cela se lit dans le communiqué final, alors qu’il s’assume plutôt que de se défausser sur l’opposition démocratique et républicaine.
Quand «la Conférence réitère sa décision adoptée lors de sa 47ème session tenue à Accra le 19 mai 2015 selon laquelle toutes les forces de défense et de sécurité du Mali disposent du droit et de la légitimité d’occuper toute localité du territoire national, dans le cadre de leur mission régalienne de protection des frontières, des personnes et de leurs biens et que toute occupation par des forces irrégulières non-étatiques est illégale et doit prendre fin.» Elle souligne en fait le manque de vision ainsi que l’incapacité du Pouvoir malien sur la question. Le rappel à l’ordre de la Cédéao était d’autant plus nécessaire qu’au même moment, le porte-parole du gouvernement du Mali, Choguel Maïga, continue de dire sur les antennes d’une radio étrangère que «les différentes attaques enregistrées à nos jours et pendant toute l’année, sont des actes résiduels». Nulle part, lui et son gouvernement ne voient dans la situation de notre pays une sérieuse menace sur la sécurité collective dans la sous-région. Pour revenir aux propos du président IBK se justifiant à moindre frais sur le dos de l’opposition, faudrait-il rendre responsables les partis membres de l’opposition démocratique et républicaine du désaccord persistant entre le gouvernement et les groupes armés en ce qui concerne la mise en place des autorités intérimaires ?
Quand les mouvements armés reprochent au gouvernement «son manque de volonté à trouver des solutions consensuelles à la mise en place des autorités intérimaires et pour la suite de la mise en œuvre de l’accord», est-ce la faute à l’opposition ? Le font-ils sous la dictée de l’opposition qui n’a manifestement pas des millions à leur distribuer ? La vérité au Mali est à la portée de tout le monde. Le manque de vision manifeste du président lui fait changer au quotidien et à longueur de discours, de démarche et de cap sur les questions majeures du pays. Pendant sa tournée dans la région de Ségou, le président IBK disait qu’aucune fanfaronnade ne lui ferait partir pour un voyage à Kidal. Peut-on avoir la volonté et la détermination politique de déployer l’armée malienne de Kidal à Zégoua ou Diboli en disant cela ? Que non.
Le président et son gouvernement ont réussi la prouesse d’isoler le Mali, un pays central, en le mettant à dos la communauté internationale et surtout ses voisins les plus significatifs. Et pour cause, ils ont dépouillé notre armée de ses ressources d’abord, ensuite ils l’ont abandonnée, laissée à l’errance sur le territoire national, démoralisée et contrainte au cantonnement sur son propre territoire. Ce faisant, le Mali a perdu tous ses acquis administratifs, politiques et militaires dans les régions du Nord et aujourd’hui dans le centre du pays. Pendant ce temps, le président IBK et son gouvernement ont de l’aversion pour toute idée de débat national en vue de renforcer la cohésion nationale, source de paix sociale et de sécurité nationale.
Faute d’autres capacités, le Pouvoir s’épuise dans des arguments périphériques dans lesquels aucune question sérieuse et de fond n’est évidemment abordée de façon lisible. Et pourtant, en dépit de son opposition manifeste à l’accord de paix en cours, le parti FARE, lors de la rencontre opposition Minusma, délégation du Conseil de Sécurité des Nations-Unies, avait clairement indiqué ce à quoi la Minusma et la Cédéao invitent le gouvernement du Mali aujourd’hui. Ce parti de l’opposition soulignait avec instance qu’il fallait garantir la sécurité sur l’ensemble du territoire national et que pour ce faire, il était impératif de renforcer les capacités des forces maliennes par la formation des unités spéciales, les forces de la Minusma ainsi que de coordonner la conjonction des forces armées maliennes, celles de la Minusma et celles de l’opération Barkhane. Le président IBK qui n’a pas de projet, pas de vision donc pas d’architecture adéquate comme réponse à la crise du pays, car une vision conduit toujours à une architecture capable de la matérialiser, n’a jamais voulu rien entendre de son opposition.
Le pouvoir IBK, qui prend ses propres incapacités comme celles du peuple malien, reste sourd à toutes propositions venant de l’opposition. Ainsi, il conduit le pays dans l’abîme dans son monologue et ses vains calculs politiciens. Voilà pourquoi nous avons toujours soutenu que dans la recherche de la paix au Mali, il restera vrai que quel que soit le soutien des Nations unies, ou d’autres partenaires extérieurs, si le président n’est pas en capacité de réaliser un consensus minimal national autour de la démarche, du rythme et du fond de la crise, toute solution durable est impossible. La vérité est que le Mali ne s’est pas donné en 2013 un leadership national de la taille de la crise qu’il traverse. C’est de cela dont il faudra discuter un jour ou l’autre au sein de la Cédéao.
Souleymane KONE
Source: Le Reporter
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