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Au Burkina Faso, dans un camp de réfugiés maliens

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Fuyant la rébellion et le terrorisme dans le nord du Mali, 10 000 Maliens ont trouvé refuge depuis quatre ans dans le camp burkinabé de Goudébou, où la cohabitation entre ethnies modifie les rapports traditionnels.

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C’est un camp administré par le Haut Commissariat pour les réfugiés des Nations unies (HCR) comme il en existe pour 20 millions de personnes à travers le monde. Goudébou, aux portes du Sahel, possède ses tentes en bâches et ses bâtiments en dur, qui parsèment une vaste étendue désertique sur laquelle 10 000 Maliens – sur les 32 300 qui ont trouvé refuge au Burkina Faso – se sentent désormais en sécurité, à 150 kilomètres de la frontière de leur pays.

Voilà quatre ans que Touaregs, Arabes, Peuls et Sonrhaï trouvent refuge ici. Ils ont fui Gossi, N’Tillit, Gao ou encore Tombouctou, autant de villes prises entre les feux croisés des indépendantistes, de l’armée malienne et des islamistes radicaux. Fadimata, une Touarègue veuve à la « peau blanche », est de ceux-là. Elle était une commerçante aisée de Gao. « À partir de 2012, des bandits se sont lancés dans la chasse à la peau blanche, considérée comme ennemie, dangereuse, à éliminer. L’amalgame était total », confie-t-elle.

Dès février 2012, sa famille a trouvé refuge à Goudébou. « Au début, nous avions une vie normale. Les rations étaient correctes, les ONG employaient de la main-d’œuvre. C’était rentable pour les moins instruits, cela créait des emplois. Mais ces aides se sont raréfiées… », déplore Fadimata.

Un budget de 4,44 millions d’euros sur les 14,4 millions nécessaires

Gogo Hukportie, représentante du HCR au Burkina, le martèle depuis un an, en effet : « La crise malienne n’est plus considérée comme une urgence. » Les deux principales agences de l’ONU engagées sur place, le HCR et le Programme alimentaire mondial (PAM), gèrent désormais la situation avec les moyens du bord, faute de financement. Cette année, le HCR ne dispose que d’un budget de 4,44 millions d’euros sur les 14,4 millions nécessaires. Et à partir de juillet, le PAM cessera de distribuer des paniers alimentaires à tous les réfugiés.« L’assistance se fera sur la base de la vulnérabilité, et non sur le simple statut de réfugié, explique Marie-Louise Kabre-Barreto, chef du bureau du HCR au Sahel.On estime que 75 % des réfugiés sont vulnérables. Nous avons fait un ciblage pour rediriger les vivres vers les plus fragiles. »

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Cette nouvelle distribution sera sans doute difficile à accepter. « Mais pas impossible, estime Marie-Louise Kabre-Barreto. Les réfugiés savent qu’ils n’ont pas tous le même niveau de vie. Nous nous alignons sur la population burkinabé, pour qui la vie aussi est difficile dans le Sahel. Nous allons vers l’autonomisation des réfugiés. Ils ont tout intérêt à sortir de la dépendance de l’assistance. »

Rentrer  ? Rester ?

À Goudébou, certains se sentent à nouveau pris en étau entre « l’insécurité alimentaire au Burkina » et « l’insécurité au Mali ». Rentrer ? C’est impossible, ils le savent. Rester ? C’est s’exposer à davantage de précarité. « Les gens commencent à se sentir nerveux, ils en ont marre, explique Ahmed, un porte-parole des réfugiés. Les jeunes peuvent être tentés par le banditisme ou la prostitution. »

La baisse de l’aide humanitaire a aussi des conséquences sur l’organisation traditionnelle des populations du nord du Mali. L’exil forcé a contraint les ethnies à cohabiter : d’un côté les Touaregs, majoritaires, divisés entre « les chefs » et leurs « esclaves » Bella ; de l’autre les Arabes, les Peuls et les Sonrhaï.« En arrivant à Goudébou, les communautés refusaient d’être mélangées »,explique une source de l’ONU. Les plus vulnérables, qui bénéficieront de la continuité de l’aide alimentaire, sont en majorité les Bella, les Peuls et les Sonrhaï. « Les esclaves ont toujours rapporté leur ration au maître, c’est la tradition. Nous craignons des dénis de ressources, des vols et des violences basées sur le genre », ajoute cette même source. Pourtant, depuis quatre ans, les observations de terrain montrent que les lignes bougent : « Les plus vulnérables ont le courage de porter plainte lorsqu’ils sont lésés. Les esclaves s’affranchissent peu à peu. Et à l’école, alors qu’ils étaient au départ rejetés, des Bella se retrouvent à présent premiers de la classe. »

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Quatre ans de guerre au Mali

17 janvier 2012 : insurrection de groupes salafistes djihadistes et indépendantistes en territoire Azawad, au nord du Mali.

Mars 2012 : coup d’État militaire à Bamako. La rébellion prend Gao, Tombouctou et Kidal. Le mouvement indépendantiste proclame l’indépendance de l’Azawad.

Fin 2012 : offensives djihadistes au sud.

Janvier 2013 : opération Serval de la France, plusieurs pays africains dans le cadre de la Misma repoussent les forces djihadistes.

Juin-juillet 2013 : cessez-le-feu puis élection présidentielle. L’ONU met en place la Minusma, en lieu et place de la Misma.

Mai 2014 : reprise des affrontements.

Juin 2015 : après des mois de combat, nouvel accord de paix, l’Accord d’Alger. Mais les affrontements se poursuivent.

Ludivine Laniepce (au camp de Goudébou, Burkina Faso)
Source : la-croix

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