A l’issue de la session extraordinaire de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Uemoa, qui s’est tenue à Dakar en présence des chefs d’Etat des pays membres, le président de la Commission de l’Uemoa, Cheikh Hadjibou Soumaré, a été maintenu à son poste, jusqu’au prochain sommet de l’organisation sous régionale. La passation de service entre M. Soumaré et le candidat désigné par le Niger pour le remplacer n’aura donc pas eu lieu. Que s’est-il donc passé ?
C’est la deuxième fois qu’à l’issue d’une rencontre au plus haut sommet de l’Uemoa, on décide du maintien à la Commission de cette organisation sous régionale l’ancien Premier ministre du Sénégal qui a pourtant fini son mandat depuis un an. Cette situation cache mal un malaise en ce qui concerne la désignation de son successeur, même si, de façon officielle, on préfère dire que Cheick Hadjibou Soumaré reste en poste jusqu’à la rationalisation de l’Organisation.
En effet, avant la tenue du sommet de Dakar, des rumeurs insistantes laissaient entendre qu’une mésentente entre le Sénégal et le Niger serait à la base du blocage du processus et le Président Macky Sall qui dès le départ n’a pas parrainé Soumaré pour lui permettre de rempiler, semble maintenant changer de logique.
Alors que, selon plusieurs sources, Abidjan, Lomé et Cotonou étaient partants pour un second mandat de Cheick Hadjibou Soumaré, arguant des bons résultats dont se prévaut l’Uemoa sous sa direction et qu’il fallait lui laisser la possibilité de terminer des chantiers d’envergure qu’il a entamés.
Mais Macky Sall était resté jusque-là intransigeant, refusant catégoriquement de parrainer la candidature de son compatriote qui, rappelons-le, est un ancien Premier ministre du Sénégal sous le magistère du Président Abdoulaye Wade. Les interventions du président de la Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara, et de Boni Yayi avant de quitter le pouvoir au Bénin, n’avaient pas suffi pour ramener le Président Macky Sall à la raison.
Une situation favorable aux autorités de Niamey qui déployaient un intense lobbying pour faire main basse sur la présidence de la Commission de l’Uemoa. Le Président Issoufou a deux cordes à son arc, notamment deux fortes personnalités dont chacune avait le profil de l’emploi : l’ex-ministre des Finances, Gilles Baillet, et l’éminent économiste Abdelkadr Boureima.
L’on comprend alors pourquoi le Niger est allé au sommet de Dakar de la semaine dernière avec la plus forte délégation des pays-membres car selon l’ordre du jour officiel, le sort de Cheick Hadjibou Soumaré devait être scellé à l’occasion de cette rencontre.
Mais le Président Macky Sall s’est rétracté et a fait de la résistance pour obtenir finalement que son compatriote puisse prolonger de quelques mois sa présence à la tête de la Commission de l’Uemoa. Depuis lors, les conjectures vont bon train et chacun y va de son commentaire pour justifier cette attitude de Macky Sall.
Pour les uns, il aurait cédé à la pression des chefs d’Etat du Bénin, de la Côte d’Ivoire et du Togo qui avaient déjà promis à M. Soumaré de le soutenir au détriment du candidat du Niger fort du soutien du Mali et du Burkina Faso.
La «bourde» du Président Abdoulaye Wade
Pour les autres, il n’y a rien de cela, Macky Sall a tout simplement voulu revenir sur un principe qui voudrait que, par tradition, le poste de président de la Commission de l’Uemoa revienne à un Sénégalais. Point de vue défendu sur les ondes d’une radio sénégalaise par l’ancien commissaire de l’Uemoa, El Hadj Abdou Sakho. Selon lui, la situation actuelle qui semble très favorable au Niger découle d’une faute de l’ancien président de la République, Me Abdoulaye Wade qui avait cassé le gentleman agreement à ce sujet, en parrainant le Malien Soumaïla Cissé pour remplacer un Sénégalais. «Il n’y a jamais eu de texte pour dire que le Président de la Commission de l’Uemoa doit être de nationalité sénégalaise, comme il n’y a jamais eu de texte pour dire que le poste de Gouverneur de la Bceao est réservé à la Côte d’Ivoire. Il s’agit simplement de Gentleman agreement qui fait que depuis leur création, la Bceao et l’Uemoa avait toujours été dirigée respectivement par un Ivoirien et par un Sénégalais», a affirmé Elhadj Abdou Sacko sur les ondes de la radio Rfm de Dakar.
Et l’ex-commissaire de l’Uemoa de continuer son plaidoyer – parce qu’à vrai dire c’en est un- en qualifiant l’acte posé par Abdoulaye Wade de « bourde » avant de se lâcher : «Lorsque le Sénégalais Moussa Touré devait rempiler, tous les chefs d’Etat étaient d’accord et se sont accordés sur sa compétence pour le reconduire. Personne, je dis bien personne à part l’ancien président de la République n’avait compris que le Sénégal puisse renoncer à ce poste au profit d’un autre ressortissant de l’Uemoa. Il semblerait que des motivations outre que techniques et professionnelles aient été à la base de la renonciation du Sénégal à ce poste ».
Mais des sources proches du dossier que nous avons pu joindre au Sénégal par téléphone nous assurent que c’est un faux-débat qui est en train d’être alimenté et que la position du Président Macky Sall serait très loin de tout ce qui se raconte. Et une autre source plus loquace de nous confier que la raison du sursis au départ de l’ex-Premier ministre sénégalais est à voir ailleurs, aux plans diplomatique et moral. En effet, pour lui, il aurait été indécent, à l’occasion de deux sommets des chefs d’Etat et de gouvernement aussi importants que ceux de la Cédéao et de l’Uemoa, qui se tenaient en se succédant à Dakar, voir le Président Macky Sall céder la présidence de la Cédéao à Sir Ellen Johnson Sirleaf du Liberia et dès le lendemain, débarquer, toujours à Dakar, le Sénégalais président de la Commission de l’Uemoa au profit d’un Nigérien. Rien que ça ! On verra bien.
A.B.N.
Source: sphynx
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