Après l’accord contesté passé entre l’Union européenne et le gouvernement turc, la Commission européenne s’apprête à passer des accords du même type avec des dirigeants africains. Parmi eux, de célèbres dictateurs.
Correspondants à Strasbourg. L’Europe aurait-t-elle enfin trouvé le sésame universel pour régler la « question » des migrants ? En tout cas, c’est d’un ton beaucoup plus assuré que le Commissaire européen Frans Timmermans a expliqué devant le Parlement européen sa manière de voir : un copié-collé de l’accord passé avec le gouvernement turc pour qu’il « retienne» les réfugiés et migrants à l’intérieur de ses frontières contre quelques espèces sonnantes et trébuchantes, mais cette fois-ci, destinées aux dirigeants africains. A l’heure où l’ONU annonce que 10 000 migrants sont morts en Méditerranée depuis 2014 en tentant de rejoindre les côtes de l’Europe, la réponse des dirigeants européens force l’admiration par sa simplicité lumineuse: « les migrants, gardez-les chez vous ! » Pourquoi, effectivement, n’y avait-on pas pensé plus tôt ?
Bien sûr, les choses sont dites un peu autrement. La Commission européenne parle de « renforcement de la coopération avec des pays tiers pour soutenir le développement social et économique et ralentir les flux migratoires » ( n’oublions quand même pas l’essentiel… ) Comment ? En développant les investissements publics et privés dans les pays d’origine », tout particulièrement en Afrique ( personne n’est contre, mais on reste dans le vœu pieu ). La Commission européenne parle ainsi d’établir des « compacts » sur mesure avec certains pays : Jordanie, Liban ( qui n’ont pas attendu les propositions européennes pour s’occuper, eux, depuis longtemps, de millions de réfugiés ), puis Niger, Nigéria, Sénégal, Mali, Ethiopie, Tunisie, Libye etc…
A quoi serviront ces financements promis ? « A améliorer les contrôles aux frontières, et à augmenter les retours ». On est dans une « gestion » purement policière de la migration. Et attention, il y aura des récompenses, mais aussi des punitions : « Ces partenariats stratégiques devraient récompenser les pays prêts à coopérer avec l’UE tout en pénalisant ceux qui s’y refusent », précise l’exécutif européen qui n’a visiblement pas perdu le goût des bonnes vieilles habitudes de l’époque où l’Europe dominait l’Afrique.
Les nouvelles propositions de la Commission européenne pour tenter de juguler les phénomènes migratoires, n’ont en tous cas pas eu l’air de faire un tabac auprès des députés européens, à part à droite.
Pas question, par exemple, pour Guy Verhofstadt, le chef du groupe des Libéraux et des Démocrates, de refaire avec des pays tiers, les mêmes erreurs qu’avec la Turquie. L’argent en échange du contrôle de la migration « n’est pas la voie à suivre », a-t-il asséné. Même analyse pour les Verts. Judith Sargentini ( Verts/ALE ) refuse, elle aussi, qu’on répète les mêmes erreurs que dans l’accord avec la Turquie, comme par exmple, utiliser l’argent pour renforcer la « forteresse Europe », « au lieu de réduire la pauvreté et de lutter contre les inégalités. » Les socialistes ont eu aussi, par la voix de leur président Gianni Pitella ( S et D ), ont appelé à ce qu’un véritable partenariat, souhaitable, avec l’Afrique, ne soit pas limité aux questions de migrations. Une position soutenue également par la Gauche unitaire européenne qui a critiqué l’idée de lier la coopération économique au contrôle des frontières et aux réadmissions dans les pays d’origine, une position qui , selon Barbara Spinelli ( GUE/GVN ) revient à « s’aligner sur l’extrême droite ».
Mais les députés de la Gauche unitaire européenne, ont également soulevé d’autres objections de taille contre les nouvelles idées des dirigeants européens pour se débarrasser de la question des migrants. La proposition lancée au Parlement européen aujourd’hui nécessite en effet que l’Europe traite avec plusieurs pays africains, « comme le Soudan , dont le président est l’objet d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale , ou l’Érythrée , dont le gouvernement est accusé de crimes contre l’humanité par les Nations Unies, » explique la GUE. Barbara Spinelli a refuté devant le Parlement que l’accord avec la Turquie ait pu sauver des vies humaines: « les décès ont simplement eu lieu ailleurs », a-t-elle expliqué en se fondant sur l’explosion des chiffres des décès consécutifs à des noyades en Méditerranée au cours du mois de mai ». Sur la proposition d’accord entre l’U-E et des « pays tiers » , la députée de la Gauche unitaire européenne a jugé que l’aide promise est un « diktat » basé sur un chantage : « soit les pays gardent leurs réfugiés dans leurs camps d’internement, ou ils ne reçoivent aucune aide. » Marie-Christine Vergiat a rappelé de son côté le contexte des migrations actuelles. « Le monde est confronté à une crise humanitaire », a-t-elle expliqué, « en 2015, il y a eu 28 millions de personnes de nouvellement déplacées, fuyant les catastrophes naturelles et les conflits. Un million d’entre elles seulement sont venues en Europe. La solidarité des pays les plus riches du monde s’est élevée à presque rien.
La députée suédoise Malin Björk ( GUE/GVN ) a conclut en expliquant, comme l’ont aussi souligné d’autres députés, que la proposition de la Commission européenne ne répondait en rien aux questions soulevées par les migrations, mais qu’il s’agissait seulement de « bloquer les réfugiés hors des frontières européennes par tous les moyens possibles. » Elle demande à l’Europe de cesser de se cantonner dans une « politique cynique » et « d’assumer ses responsabilités en acceptant plus de réfugiés chez elle. »
Source: humanite
The post L’Europe demande à l’Afrique de garder ses migrants appeared first on Koulouba.com.