Le président français Jacques Chirac a affirmé le 4 janvier 2006 devant l’Elysée que l’article de loi mentionnant le “rôle positif de la colonisation”, qui “divise les Français”, devait “être réécrit”.
Plus d’un siècle de brimades des peuples du continent noir, l’Europe reconnaît enfin que la civilisation qu’elle était censée apporter n’était qu’un prétexte pour répondre aux besoins politico-économiques de l’époque.
Mais cette vaste campagne de colonisation a fait de l’Afrique un continent marginalisé, exclu et pillé dont les stigmates marqueront à jamais ses fils qui meurent chaque jour en voulant regagner l’Europe. Le drame des Africains est aujourd’hui comparable aux souffrances des esclaves d’autrefois. L
‘exclusion politico-économique des dirigeants européens a fait des jeunes africains des sans espoirs et des sans visas. Pour la plupart, le goût affadi de la vie quotidienne témoigne de la précarité d’une jeunesse abandonnée à elle-même.
Les Maliens, dans leur majorité, sont très pauvres, et ceux qui ont eu la chance d’avoir un diplôme sont chômeurs quand leurs camarades ne se prostituent pas à la ‘’Rue princesse’’. Ils vivent une misère noire, scrutant l’horizon sans espoir, toute perspective étant bouchée.
Ce sont les exclus du système économique et politique de notre pays. Ils travaillent pour un salaire à peine supérieur à celui de l’esclave d’autrefois. La misère a noyé leurs ambitions, la pauvreté a fait d’eux des sans espoir, des sans-abris et des marchandises politiques.
On les utilise partout ailleurs en Afrique pour décorer les cérémonies des partis politiques. Lors des campagnes électorales, les politiciens de tout acabit leur font miroiter de fausses promesses pour avoir leur voix.
Puis entre deux élections, ils foulent aux pieds leurs intérêts. Malheureusement, les dirigeants africains posent plus de problèmes à leurs sociétés qu’ils n’en résolvent.
Point de développement collectif sans développement individuel des citoyens. Nos dirigeants le savent d’ailleurs. Ils savent que même dans un siècle avec leurs politiques économiques actuelles, aucun des pays pauvres très endettés en Afrique ne sera sur la ligne de départ vers le développement.
Nos pays sont tellement en bas de l’échelle qu’il faut d’abord lutter contre la ”sous-pauvrété”, atteindre le niveau zéro avant d’espérer se développer. Ne nous laissons pas tromper, le développement n’est pas de la magie.
Que ce soit au Mali Faso où ailleurs, il nous est difficile de croire que nos populations, dans leur ensemble, connaîtront un jour un progrès social important si nous persistons et signons dans la voie actuelle que les autres nous imposent.
Quel bilan pouvons-nous tirer aujourd’hui des plans d’ajustement structurel qui ont conduit bon nombre de travailleurs dans un tombeau à ciel ouvert, fait de licenciements et de la précarité?
Que faire donc face à l’exclusion? Comment sortir de la misère, notre misère matérielle n’étant que le reflet de notre pauvreté d’esprit ? Il n’y a pas à réinventer la roue.
Emiliano Zapata nous enseigne, dans La révolution mexicaine de Fernando Sanchez :
”Le développement de notre peuple dépendra de trois principales choses ;
-premièrement, sa volonté de vaincre la misère ;
-deuxièmement, sa détermination à triompher de toutes les adversités ;
-troisièmement, sa capacité à imprimer à l’histoire la courbe de son propre destin.”
”Goûter à sa propre sueur”, travailler à polir sa pauvreté pour la rendre belle, imprimer à l’histoire la courbe de notre propre destin, tel doit être le sens du combat de la jeunesse si elle veut vraiment développer le Mali.
Non pas dans une fatalité suicidaire comme nous le faisons, qui consiste à répéter systématiquement ”ça va aller” ou ”ailleurs c’est pire” pendant que visiblement rien ne va.
Ni par notre silence et complicité face à des politiciens qui n’ont comme programme de société que d’amasser des fortunes, encore, encore et encore plus. La volonté de vaincre la misère, c’est s’interroger profondément sur le rôle que l’on compte jouer dans la société.
Triompher de toutes les adversités, c’est entreprendre quels que soient les obstacles que nous rencontrons sur notre chemin ; c’est refuser de baisser les bras. Refuser de vendre sa pauvreté – aux moins offrants surtout – telle doit être notre ligne de conduite car le salut libérateur des Maliens ne viendra pas seulement des palais, mais de la rue, surtout.
Henri Levent
Source: Le Pays
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