Dans l’affaire d’abattage d’ânes à Ségou, les autorités maliennes se sont rabattues sur les services vétérinaires. Alors que les autorités politiques et administratives, notamment les préfets, les chefs d’arrondissement et les maires, accusées d’avoir délivré l’autorisation, ne sont pas inquiétées.
L’affaire de l’abattage d’ânes au Mali, notamment à Sanankoroba, a défrayé la chronique tout au long du mois de mai. Si à Sanankoroba il y a un abattoir d’ânes ultramoderne, tel ne semble pas être le cas à Ségou. En effet, en mission pour visiter les cases flottantes servant d’élevage de poisson à l’office du Niger dans la zone de Kolongo, le ministre de l’Elevage et de la Pêche, Nango Dembélé, et sa délégation ont découvert un site d’abattage . Aussitôt, Le ministre Dembélé a ordonné d’arrêter les auteurs de ce forfait et d’incinérer les 390 carcasses d’ânes. Sous les ordres du directeur des services vétérinaires de Ségou, nous indiquent des sources proches du dossier, le chef de poste de Kolongo et le chef de secteur de Macina, accompagnés des gendarmes, ont procédé à l’arrestation des «bouchers d’ânes», au nombre de 11, dont 3 Maliens et 8 Nigérians. Avant de procéder à l’incinération des carcasses d’âne sous la direction du Préfet de la localité. Les cuirs attendent les décisions de la procédure judicaire pour être détruits. Selon les mêmes sources, les auteurs de cet acte affirment détenir une autorisation délivrée par le maire et le chef d’arrondissement. Une information démentie par les accusés.
Les services vétérinaires sacrifiés
Acculées par la communauté musulmane qui se plaint de ne pas être protégée, les autorités se sont rabattues sur les services vétérinaires de la région de Ségou. Après avoir relevé le chef de poste vétérinaire de Kolongo et le chef de secteur vétérinaire de Macina, elles ont relevé le Directeur régional des services vétérinaires de Ségou cette semaine. Au même moment, le Préfet, le chef d’arrondissement et le maire vaquent impunément à leurs affaires.
Confusion des textes
Dans cette affaire, il est difficile d’accuser qui que ce soit. Si l’on s’en tient aux textes, le seul coupable dans ce dossier est l’Etat malien. Car les textes ne sont pas clairs. L’arrêté interministériel 7028 du 22 décembre 1987 dispose en son article 9 : «l’abattage de toute espèce bovine, ovine, caprine, porcine, équine et cameline est autorisé», sans faire mention de l’âne encore moins du chien. Dans ce contexte, les plus optimistes estiment que l’âne et le chien sont interdits d’abattage, car ne figurant pas sur la liste des animaux autorisés à être abattus. Mais, les sceptiques diront que tout ce qui n’est pas interdit est autorisé. Face à cette situation confuse et au phénomène d’abattage qui atteint une proportion inégalée, une relecture des textes réglementaires s’impose, suggèrent les responsables des services vétérinaires du Mali.
La culpabilité de l’Etat établie par les textes
Malgré la confusion des textes, certains pans sont clairs sur la responsabilité de délivrance d’autorisation d’abattage. Pour abattre au Mali, précise les textes, il faut avoir une autorisation délivrée par «les chefs de la circonscription administrative du lieu d’exercice de la profession». Il s’agit en l’occurrence des préfets, chefs d’arrondissements et maires. Malgré le démenti des autorités susmentionnées, les sanctions devraient commencer par elles. Et dans une moindre mesure, les élargir aux services vétérinaires. Ne voulant pas outrepasser leurs prérogatives, les services vétérinaires refusent d’inspecter la viande d’âne, car elle ne fait pas partie des viandes à inspecter au Mali. En plus, soutiennent-ils, «toujours faudra-t-il que nous soyons au courant de ces pratiques pour pouvoir prendre des mesures appropriées.»
La crise d’autorité dénoncée par les vétérinaires
Le 13 janvier 2016, a eu lieu une rencontre qui a regroupé les cadres de la Direction nationale des services vétérinaires; de la Direction nationale des productions et industries animales; de la Direction nationale du commerce et de la concurrence; du Spana (Chargé de la protection des ânes) et d’un Conseiller technique du ministère de Développement rural. L’ordre du jour portant sur l’abattage des ânes, les vétérinaires en ont profité pour dénoncer la crise d’autorité au Mali en la matière.
A cette occasion, le Directeur régional des services vétérinaires de Koulikoro a reconnu que l‘agent en poste à Sanankoroba l’a informé qu’il y a des personnes qui ont abattu des ânes et demandé s’il pouvait inspecter la viande. «Nous avons dit non. Après, ces personnes, par l’intermédiaire d’un certain Diawara, sont venues à Koulikoro pour demander une autorisation. Nous n’avons pas accepté car on était au courant de rien», a-t-il dit.
Yaya Konaté de la Dnpia enfoncera le clou en ces termes : «Je suis désolé, mais il y a une crise d’autorité au Mali. Je ne comprends pas qu’il y’ait un abattoir d’ânes construit, des containers de viande d’âne, qui passent par l’aéroport ou par route et que personne n’ait rien vu», s’est-il indigné.
Les aveux des responsables en charge du commerce
Le Directeur national du commerce et de la concurrence, Modibo Keita, dissuade en conseillant: «Faites attention sinon on va attenter aux libertés individuelles. Il n’y a pas de texte pour gérer cet aspect. C’est un vide juridique. Il est possible de produire ce qu’on ne mange pas. Pour interdire le commerce de la viande d’âne, il faut prendre un texte à caractère prohibitif absolu», se défendra-t-il. Avant de poursuivre : «ce n’est pas le service vétérinaire qui donne l’intention, mais le Commerce et la Concurrence. Si jamais demain on me sollicite pour l’autorisation, je donne l’intention d’exporter. Car le texte sur lequel vous vous basez pour refuser l’abattage des ânes n’est qu’un texte du Mali et ne peut s’appliquer à la Chine».
Le Conseiller technique du ministère du Développement rural d’alors, Dr Wayara Koné soutiendra: «Un Directeur m’a dit un jour que si on autorise l’exportation de la viande d’âne, le prix de l’âne va augmenter autant que les vols d’ânes. C’est ridicule. Il faut appeler ces opérateurs et voir avec eux leur projet. It faut les encadrer. Mais ne pas fermer la porte tout de suite à un investisseur. Ils ont déjà investi et emploient des gens. Le ministre est d’accord avec moi. C’est la position du Ministre». A la lumière de ces propos, le gouvernement doit s’assumer en procédant à une relecture des textes et laisser en paix les vétérinaires.
Dans tous les cas, force est de reconnaître que le marché malien est inondé par la viande d’âne. C’est le cas à Sanankoroba, où on abat des dizaines d’ânes par jour. A Ségou où on a brûlé 390 carcasses d’ânes; Mopti, derrière le fleuve, à Nantaga, un site dirigé par un Malien et un Nigérian a été retrouvé. Toujours à Mopti, 1,103 tonne de viande sèche d’âne en provenance de San a été saisie le 24 mai 2016. A Fana, depuis 2002; Missira Nabil emploie 60 Maliens et 20 Nigérians. A Tienfala, sur la route de Koulikoro, à Fouga, il y avait une dibiterie d’âne. Que dire des grands chargements qui quittaient Gao pour transiter par Tominian. A Sikasso vers Zégoua aussi, des cuirs d’ânes ont été saisis. C’est pour dire qu’aucune localité du Mali n’est épargnée par ce phénomène.
Dans les coulisses, il se raconte que la présence de la force onusienne ajoutée à quelques rares ethnies du Mali a augmenté la consommation de l’âne au Mali. Que l’on sorte alors de la fiction pour faire face à la réalité.
Oumar KONATE
Source: Le Prétoire
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