« Fraude pendant les examens : causes, conséquences et propositions de solutions » était le thème d’une conférence-débat organisée samedi par l’Association malienne des enseignants musulmans (AMEM). La rencontre a eu lieu dans la salle de l’Indépendance du Lycée technique et a réuni Mahamadou Touré, le président de l’AMEM, ainsi qu’Abdou Diarra, conseiller technique au ministère de l’Education Nationale. L’on notait également la présence de Issifou Dicko, conférencier et directeur de l’Académie d’enseignement de Kati, et celle de l’imam de la mosquée du Centre islamique de Bamako, Idrissa Diarra.
La rencontre a d’abord été marquée par un démenti du directeur de l’Académie d’enseignement de Kati sur une modification du calendrier des examens du baccalauréat 2016. « La date du baccalauréat est fixée au lundi 20 juin 2016, elle n’a fait l’objet d’aucune modification contrairement aux rumeurs qui circulent dans la ville de Bamako », a tenu à préciser Issifou Dicko avant d’entamer sa communication sur la fraude, ses causes et conséquences.
L’opportunité du thème de cette conférence-débat, à la veille même du baccalauréat, a été unanimement soulignée : services techniques, enseignants, parents d’élèves. « Il faut saluer l’AMEM pour la pertinence du thème », a indiqué Abdou Diarra qui a définit la fraude comme « une action faite de mauvaise foi dans le but de tromper et consistant, pendant les examens pour certains candidats mal préparés, à mener des actions contraires aux réglementations académiques ». Par ces procédés indélicats, des candidats espèrent réussir injustement aux examens sans en avoir le niveau requis, a dénoncé le conseiller technique.
Le conférencier a, lui, noté que « le contexte de décentralisation, de libéralisation du secteur éducatif fait que beaucoup d’acteurs apparaissent dans le domaine de l’éducation et interviennent dans l’organisation et la gestion des examens ». Cela, selon lui, « fait que désormais les examens et les résultats qui en découlent présentent des enjeux pédagogiques, politiques, économiques et sociaux. L’enjeu est politique car l’Etat s’assure à travers ses services nationaux et décentralisés que les ressources mobilisées pour l’éducation sont en train de faire des résultats. C’est économique parce qu’avec la libéralisation du secteur certains veulent obtenir de bons résultats pour faire la promotion de leurs écoles. L’enjeu est aussi social car les parents veulent voir leurs enfants réussir, quitte à contourner le dispositif réglementaire ».
Issifou Dicko note, à cet égard, que « les textes qui régissent les différents secteurs de la vie publique indiquent ce qui est permis et ce qui est interdit. Lorsque l’on décide délibérément de contourner ce dispositif et bénéficier d’avantages qu’on devrait pas avoir, c’est la fraude ». Les différentes manifestations de la fraude pendant les examens et leurs conséquences ont été largement abordées par le conférencier. « La fraude ne concerne pas que le candidat pris individuellement. Elle concerne toute la chaine, toutes les étapes », précise-t-il, de l’inscription du candidat, à la préparation des centres d’examen en passant par la prise en charge des surveillants par les candidats.
Issifou Dicko décrit ainsi une fraude qui se manifeste, par exemple, à l’inscription par un changement de la réalité du candidat : en faisant d’un candidat libre, un candidat régulier. Dans la préparation des centres d’examen, dans certaines circonscriptions, les comités de gestion scolaire modifient le dispositif. Contrairement au dispositif réglementaire, ils mettent deux candidats sur le même table-banc en violation de la distance réglementaire entre les candidats. Le mépris de cette distance réglementaire facilite la communication entre les candidats. Dans les centres, on prépare à manger pour les surveillants et des enveloppes pour les présidents de centre et malheureusement certains d’entre eux tombent dans le piège qui leur est tendu. Issifou Dicko cite ainsi plusieurs autres manifestations de la fraude, impliquant l’utilisation de gadgets électroniques par les candidats. Ceux-ci utilisent des oreillettes invisibles grâce auxquelles des complices leur communiquent les réponses. Des téléphones portables dissimulés, des montres connectées avec lesquelles on triche ou même de simples emballages de bouteille d’eau sur les étiquettes desquelles sont rédigées des informations, tous les moyens possibles et imaginables sont utilisés par les fraudeurs.
La fraude mine également les étapes du secrétariat et de la correction. A en croire le conférencier, « logiquement le secrétariat comporte différentes étapes et les acteurs à ce niveau ne devraient même pas se rencontrer, a fortiori communiquer entre eux. Mais on constate, malheureusement, que lorsqu’une équipe vient pour le classement des copies, elle rencontre l’autre équipe qui est consacrée par l’anonymat. Cela facilite donc la communication aux correcteurs du code des candidats que ceux-ci veulent aider. Il y a également des promoteurs qui parviennent à découvrir le code du CAP auquel appartient leur école. Ces codes sont ensuite communiqués à des complices qui deviennent, à ce moment, des distributeurs de notes ».
Ces pratiques frauduleuses ont des conséquences graves sur l’avenir du Mali qui a besoin de fils et de filles capables de prendre de bonnes décisions, de participer à son développement, a indiqué le conférencier. « Personne ne veut un produit de contrefaçon. Rares sont les promoteurs, ici dans cette salle, qui ont directement engagé les produits de leurs écoles. Parce qu’ils savent qu’ils ont mis sur le marché des produits qui ne valent pas la peine », a critiqué Issifou Dicko.
Le contexte de mondialisation impose une compétition impitoyable sur tous les plans entre les pays. S’attaquer à la problématique de la fraude, pourrait préparer les enfants à la lutte farouche qui les attend sur le marché de l’emploi.
K. DIAKITE
Source : L’ Essor
The post Examens : LA FRAUDE SOUS TOUTES SES COUTURES appeared first on Koulouba.com.