Sur les antennes de RFI, Tiébilé Dramé n’a pas failli à la tradition en clouant au pilori la gestion des affaires publiques par le pouvoir actuel. Mais, cette fois-ci, avec une touche nouvelle en termes de proposition de solutions.
Dans cette interview qu’il a accordée à la radio française RFI, l’une des figures les plus marquantes de l’opposition politique malienne, Tiébilé Dramé, s’est livré à un décorticage de la situation politique malienne sous les soleils du Président Ibrahim Boubacar Keïta, non sans – comme on pouvait s’y attendre – écraser quelques grains dans sa manœuvre.
Un an après la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation, le président du Parena décrit un Mali où il n’y a ni paix ni réconciliation. En sus, une large partie de la partie nord du pays échappe au contrôle étatique. Il mentionne aussi la recrudescence des attaques djihadistes et des vieux réflexes identitaires dans la société malienne. Toutes choses qui, imbriquées, débouchent sur un sentiment d’impasse du processus.
Sans toutefois oublier de faire remarquer que cette incapacité de booster l’application de l’Accord a pour corolaire le fait que «nous exportons l’instabilité chez nos voisins. Les attaques contre Le Cappuccino à Ouagadougou en janvier, l’attaque contre Grand-Bassam sont de toute évidence parties du Mali et perpétrées par des Maliens».
Pour expliquer cette situation d’immobilisme dans lequel se trouve le processus, Tiébilé Dramé estime que le peuple malien est pris en otage dans une sorte de triangle de feu. A l’un des angles, il y a les djihadistes et à un autre il y a les mouvements armés du Nord qui ont, selon lui, su accorder leurs violons et qui exigent de l’Etat le respect à la lettre de l’Accord, avec les bénédictions de la communauté internationale. Le troisième angle, d’où émanerait la souffrance du peuple, étant, poursuit-il, «le faible leadership» du gouvernement du Mali «qui donne l’impression d’être débordé, dépassé».
Comme catalyseur à l’application efficiente de l’Accord pour la paix et la réconciliation, Tiébilé Dramé évoque le retour de l’ex-chef d’Etat, Amadou Toumani Touré car, justifie-t-il, «Il est évident que cette réconciliation nationale ne peut pas se faire sans un homme qui a dirigé le pays pendant dix ans». Il propose aussi le débat de fond sur l’Accord à l’Hémicycle car, fait-il remarquer, «l’Assemblée nationale n’a pas encore eu connaissance, n’a pas eu l’occasion de débattre de l’accord».
Après quoi il renvoie le Président Boubacar Keïta au respect du point de l’Accord relatif à la Conférence nationale qui, rappelle-t-il, «aurait dû être convoquée le 21 juin 2015, c’est-à-dire au lendemain de la signature pour permettre au pays de s’imprégner de l’accord et de convenir ensemble de ce qu’il y a lieu de faire pour sa mise en œuvre».
Il dénonce aussi la gestion des crédits alloués à la Défense en demandant un audit car, dit-il : «Il y a des informations relatives à l’acquisition de matériel roulant, de véhicules P4 dont l’unité s’est élevée à plus de 50 millions de francs CFA. Si on ne fait pas d’ores et déjà l’audit avec les informations qui circulent sur les surfacturations, alors là on pourrait se retrouver malheureusement dans une situation où le pays fait des sacrifices pour doter les forces de moyens importants, et que ces moyens n’arrivent pas à destination, à cause de l’utilisation qui est faite».
Mauvaise gestion de la crise et des finances publiques sont celles-là mêmes qui auraient valu la marche de l’opposition le 21 mai dernier pour sortir le pouvoir actuel de «l’autisme qui le caractérise», selon ses termes. Il a tenu à ce que le chef de l’Etat «reste un peu plus au pays pour gérer les affaires» au risque de les voir se détériorer beaucoup plus gravement.
Abdoulaye KONATE
Source: Le Prétoire
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