Le chef de file de l’opposition malienne et non moins président de l’Union pour la République et la démocratie, Soumaïla Cissé, aurait tenté de transférer 27 milliards CFA de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest (Bceao) à un compte logé à Ecobank. L’info (l’intox ?), émanant du quotidien sénégalais L’Observateur, avait pollué l’atmosphère au sein de la classe politique malienne et même créé un malaise social. Mais, « qui ne se reproche rien, s’explique aisément et clairement » dit-on.
L’honorable Cissé s’est donc prêté à un exercice d’explication sur les prétendus 27 milliards qu’il aurait tenté de détourner lors d’une conférence de presse tenue le mardi 24 mai dernier. A l’occasion, l’ancien président de la Commission de l’Uemoa a opposé des preuves vérifiables et tangibles aux incongruités distillées par L’Observateur.
Des images de réception des forages réalisés aux déclarations des responsables des maîtres d’ouvrages délégués pour leurs réalisations, en passant par les commentaires de certains chefs d’Etat de l’Uemoa et une pile de documents dont l’approbation des comptes financiers de la Commission par le Conseil des ministres, viennent battre en brèche les propos diffamatoires tenus dans l’article en question.
Voilà qui devrait mettre fin aux agissements des politiques maliens qui, au mépris des valeurs de fraternité et de patriotisme, avaient vu en cette affaire une aubaine pour écorner l’image du président de l’Urd. Pour Cissé, il n’y a aucun doute, les commanditaires de l’article du journal sénégalais, donc de la cabale contre sa personne, sont au Mali.
Un petit rappel s’impose. La première semaine du mois de mai 2016 a été marquée par de rocambolesques révélations ( ?) de la presse sénégalaise sur un présumé détournement de 27 milliards par Soumaïla Cissé, au préjudice de l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa). En effet, dans un article du 30 avril 2016, le quotidien sénégalais L’observateur titrait: « La France vient de bloquer un transfert de 27 milliards appartenant à l’ex-président de la Commission de l’Uemoa ». Une manne qui devait quitter les caisses de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest (Bceao) pour être logée dans les coffres d’Ecobank.
Ce montant était destiné, selon le journal, à la réalisation de forages au bénéfice des populations des Etats membres de l’Uemoa. L’article fait cas d’audit commandité auprès de la Cour des Comptes de l’Uemoa à la demande de l’Afd au sujet de forages réalisés au Sénégal pendant que Cissé assurait la présidence de la commission de l’Uemoa. Il est également question de forages inexistants, voire fictifs.
Depuis la publication de cet article, les caméras sont braquées sur l’honorable Soumaïla Cissé. Des jours ont passé, apportant chacun son lot de commentaires dont certains ne sont plus ou moins qu’une expression claire et nette d’un sentiment de haine. Le cas du Rpm (parti au pouvoir), aux aguets depuis belle lurette, a retenu les attentions. Ce parti, sous la plume de son secrétaire général, Bocary Tréta, avait bondit sur l’occasion, en demandant (dans un communiqué) des « explications » au chef de file de l’opposition. Peine perdue ! Il semble que cette occasion n’est (encore) pas la bonne. Et pour cause…
Au-delà des mots, les faits…
Situant le contexte de cette sortie médiatique, Soumaïla Cissé a expliqué qu’elle répond à deux soucis majeurs: le devoir de rendre compte et de donner des éclaircissements sur les propos diffamatoires dont il fut l’objet. Lesquelles diffamations, dit-il, ont porté largement atteinte à son honneur, à sa dignité et causé d’énormes préjudices à sa famille politique.
Le conférencier a choisi surtout de montrer la vérité, en images, avec tous les éléments de preuves. En effet, une projection vidéo a vanté les réalisations que la Commission de l’Uemoa a enregistrées lors du passage de M. Cissé à la tête de cette institution, particulièrement sur le plan de l’amélioration de l’accès à l’eau potable dans les pays de l’Union.
Le « Programme d’approvisionnement en eau potable en milieu rural par la mise en place de trois mille forages dans les Etats membres de l’Uemoa », tel était l’intitulé du projet qui suscité aujourd’hui la polémique.
Ce projet, faut-il rappeler, s’inscrit dans l’Axe stratégique 3 du Programme économique régional (Per) et est rattaché à l’objectif stratégique «Valorisation et transformation des ressources naturelles et lutte contre la pauvreté ». La réalisation de ce projet visait (initialement) la mise en place de 3000 forages dans les États membres, afin de permettre aux populations rurales l’accès à l’eau potable dans la perspective de la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement (Omd).
Ainsi, pour un montant global estimé à 32,742 milliards FCFA (l’apport de l’Uemoa était d’environ 11% contre 89% pour l’appui budgétaire français), le Benin a eu 4001 forages; le Burkina Faso 400; la Guinée Biseau 300 ; le Niger 450 ; la Côte d’ivoire 300; le Togo 400; le Mali 454; et le Sénégal 300 forages.
La répartition initiales des ouvrages sur la période 2006-2008 était de: 300 forages pour le Benin ; 400 pour le Burkina Faso ; 250 pour la Guinée Biseau ; 475 pour le Mali ; 525 pour le Niger; 400 le Sénégal ; 225 pour le Togo ; et 425 pour la Côte d’ivoire. Il est important de noter que la Commission a porté son objectif à 8000 forages, soient 5000 forages supplémentaires par rapport à l’objectif initial.
Du rapport d’évaluation de la phase 1 du Programme, il ressort que plusieurs catégories d’acteurs ont été impliqués, dont l’Uemoa; les agences d’exécution (maîtres d’ouvrage); les services techniques des États ; les collectivités territoriales….et les populations bénéficiaires. C’est dire que la commission n’avait pas la main sur toute la chaîne d’exécution du projet. Et le même rapport souligne le sérieux qui a prévalu dans l’exécution de cette phase qui, d’ailleurs, a été également suivie et contrôlée par les directions nationales de l’hydraulique des pays bénéficiaires.
Autre précision de taille : les fonds alloués à la réalisation des forages étaient logés dans des comptes créés à cet effet, et gérés par les maîtres d’ouvrages délégués. En clair, ni le président de la commission, et encore moins ses services financiers ne pouvaient opérer des mouvements sur lesdits comptes.
Mieux, Soumaïla Cissé a mis à la disposition de la presse, le Rapport d’audit et de contrôle des 420 (300+120) forages du Programme d’Hydraulique Villageoise ; la liste des coordonnées GPS des 420 forages réalisés au Sénégal ; le Procès-verbal de réception de 120 forages du même pays ; les documents d’Approbations des comptes.
Vient s’ajouter à ces preuves, la lettre d’Ecobank qui affirme ceci: « suite à nos investigations et sauf erreur de notre part, nous vous informons que Ecobank Mali n’enregistre pas de compte dans ses livres en votre nom, Soumaïla Cissé, à date ». La lettre est signée des mains d’Ibrahima Makanguilé, président du conseil d’administration d’Ecobank Mali.
Par ailleurs, faut-il souligné, l’approbation des comptes financiers de la Commission a été faite par le Conseil des ministres qui était dirigé, à l’époque, par la ministre de l’Economie et des finances du Mali, Bouaré Fily Sissoko. Celle-ci avait réagi à l’article de L’Observateur. Mais sur cette réaction, le conférencier n’a pas voulu s’étendre.
Aujourd’hui, certains Maliens estiment que la meilleure façon pour Soumaïla de rétablir sa réputation serait de porter l’affaire devant les tribunaux. L’hypothèse n’est pas écartée, mais Cissé entend inscrire sa démarche dans une logique. C’est ainsi qu’il a jugé raisonnable d’adresser, comme cela se doit, d’abord un droit de réponse aux auteurs de l’article.
«Nous avions fait un droit de réponse qui a été publié, et sur lequel le journal n’a fait aucun commentaire. En plus, le journal a contacté Me Demba Traoré pour solliciter une rencontre. Et, on attend de savoir ce qu’ils nous dirons. Déjà, ils nous ont confié que les commanditaires de l’article sont au Mali ». Voilà ce à quoi s’en tient, pour l’instant, le chef de file de l’opposition.
La dose de haine…
S’il n’a pas peur d’être attaqué, Soumaïla Cissé refuse cependant d’être accusé à tort. Selon lui, ces affirmations gratuites parlant de forages fictifs, mettent en cause sa gestion ainsi que celle de l’équipe qui, pendant près de 8 ans, a obtenu des résultats remarquables qui font la fierté de l’Union qu’est l’Uemoa. Un engagement qui ne mérite pas d’être traîné dans la boue. Aussi, faut-il rappeler, Soumaïla Cissé a été élu en 2004 président de la Commission de l’Uemoa au nom du Mali et non de sa personne.
Sa candidature a obtenu le soutien de l’Etat malien, sous le régime d’Amadou Toumani Touré. Il est donc évident que c’est l’honneur du pays qui est en jeu. Mais, les détracteurs politiques de Cissé ne voient pas les choses de cet œil. Ils ont cru bon de faire de cette affaire un évènement. Dans le lot des personnalités qui ont fait preuve d’une légèreté déconcertante, il y a le Dr Bocary Tréta.
Celui-ci, dit Soumaïla Cissé, avait la possibilité de vérifier la véracité des informations distillées par L’Observateur, en s’informant notamment auprès du ministre des Finances du Mali, membre du Conseil des ministres de l’Uemoa ou les deux cadres du même ministère, membres du Conseil d’administration de la Bceao. Il était encore loisible pour Tréta de s’assurer auprès de ses nombreux anciens collègues ministres de l’hydraulique sur une quelconque récrimination contre Cissé, relative au projet d’Hydraulique villageoise dans l’espace Uemoa.
Qu’est ce qui bien justifier cette attitude de Tréta et son parti ? Pour le chef de file de l’opposition, la réponse est toute simple : Tréta s’est laissé manipuler par d’autres concurrents au sein même de son parti.
Au-delà, à l’Urd, on voit en cette réaction une réponse du berger à la bergère. Nul besoin de rappeler ici que Soumaïla n’a jamais manqué l’occasion d’attaquer la majorité sur sa gestion du pouvoir. Aujourd’hui, les ratés de la majorité ont permis à l’opposition et à son chef de file de se présenter comme la solution aux difficultés auxquels le peuple malien est confronté. Soumaïla semble représenter une menace pour la réélection du président IBK. De 2013 à nos jours, la popularité d’IBK a connu une chute qui profite largement à Soumaïla, son challenger à la présidentielle 2013.
Par ailleurs, l’Urd s’étonne que le Rpm ait subitement découvert les vertus de l’interpellation politique, après plus de trente mois de sommeil profond devant les scandales à répétition d’un régime issu de ses rangs.
Tréta et le Rpm doivent rendre compte…
Soumaïla Cissé, sous la plume du secrétaire général de l’Urd, avait déjà répliqué au communiqué du secrétaire général du Bureau politique national du Rpm, Bocary Tréta. Lors de la conférence, il est revenu à la charge, encore. Pour le conférencier, Tréta et son parti traînent des casseroles sur lesquels ils devraient s’expliquer, avant de l’interpeller. M. Cissé regrette surtout le manque de courtoisie de ses adversaires qu’il met au défi d’apporter la moindre preuve de ce qu’ils avancent.
Après avoir évoqué les multiples actes de solidarité posés par son parti envers tous les Maliens et en toutes circonstances, le conférencier a estimé qu’il aurait été judicieux pour Tréta et son parti de donner des explications sur les sombres affaires dans lesquelles leur régime est plongé et sur lesquelles ils sont restés muets comme une carpe.
Il s’agit des relations mafieuses entre le président IBK et Michel Tomy, révélées par le journal «Le Monde» ; les révélations sur les surfacturations concernant l’achat de l’avion présidentiel, des équipements pour l’armée; l’achat d’engrais dits « frelatés » ; l’affaire des tracteurs dits « surfacturés ». S’y ajoutent les scandales relatifs à l’attribution des logements sociaux, au filet social et la fibre optique.
« J’invite le gouvernement et les différents ministres cités dans les affaires, la majorité présidentielle, le Rpm à venir courageusement devant la presse pour édifier les Maliens sur tout ce qui a été reproché à leur régime de septembre 2013 à nos jours», a-t-il clamé. Et de préciser qu’ils doivent des explications au peuple, ne ce reste que pour respecter le devoir d’informer et de transparence qui s’impose à tous acteurs de vie politique malienne.
I B Dembélé
Laïla Cissé, stagiaire
Source: L’Aube
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