Guillaume Ngefa A. Andali, Directeur de la Division des droits de l’homme, Représentant du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme au Mali,
Mesdames et Messieurs les journalistes,
Cher(e)s collègues,
Chère Radhia,
Merci de m’avoir invité dans ce point de presse pour faire le point et échanger avec vous sur les récents développements en matière de droits de l’homme au Mali. Je saisis également cette occasion pour faire état des actions que la MINUSMA et sa Division des droits de l’homme ont menées dans le domaine des droits de l’homme.
Comme vous l’avez si abondamment rapporté dans vos medias respectifs, ces deux derniers mois ont été marqués par des incidents violents du 18 avril à Kidal, des affrontements meurtriers ayant opposé la confrérie des Donso et les membres de la communauté Peulh les 30 avril et 1 mai 2016 dans le village de Malemana, cercle de Tenenkou.
Une équipe de la MINUSMA composée de chargés de droits de l’homme, de la protection de l’enfant et des observateurs militaires a effectué une mission le 26 mars à Inégar, une localité située à 18km au nord de Ménaka, pour enquêter sur les allégations de recrutement et d’utilisation d’enfants par un groupe armé.
Les résultats de cette enquête ont été communiqués et échangés avec le Gouvernement. La MINUSMA a aussi communiqué au Gouvernement les conclusions de l’enquête sur les évènements de Zinzin au cours desquels un convoi FAMa a été attaqué par des éléments armés non identifiés sur l’axe principal entre Tombouctou et Goundam en janvier 2016.
S’agissant des évènements de Malemana, une équipe des droits de l’homme composée de trois chargés des droits de l’homme a été déployée du 4 mai au 7 mai 2016 pour conduire une mission d’établissement des faits. Les chargés des droits de l’homme ont visité respectivement Tenenkou le 5 mai, le village de Malemana le 6 mai et Diouara le 7 mai.
L’équipe a pu visiter le cimetière de Malemana où les victimes ont été enterrées dans des fosses communes. Elle a pu établir un bilan provisoire et non exhaustif d’au moins 26 morts dont le 3ème adjoint au maire et son ami tués le matin du 30 avril 2016 sur la route de Malemana-Diouara par les élément armés suspectés d’être des membres de la communauté Peulh, 23 membres de la communauté Peulh et 1 membre de la communauté tamasheq tués le 1er mai.
Ces incidents ont provoqué un déplacement forcé interne des populations en majorité membres de la communauté Peulh dans la ville de Tenenkou, la Commune de Diabali, la commune de Niono, et la commune de Namapalari.
Pour évaluer leur situation, une 2ème mission d’enquête des droits de l’homme a été déployée du 11 au 13 mai 2016. Elle a pu se rendre le 11 mai à Niono et le 13 mai à Namapalari. Plus de 700 personnes à majorité membres de la communauté Peulh ont fui leurs maisons par crainte de nouvelles attaques et se trouvent actuellement à Tenenkou et dans d’autres villages du cercle de Niono. Plus de 200 personnes qui avaient fui vers la Mauritanie sont retournées et se trouvent actuellement à Nampala.
On a également noté les visites des délégations gouvernementales sur les lieux ou les incidents se sont produits et auprès des familles des victimes, ainsi que les initiatives de rencontres intercommunautaires qui ont pour objectif d’apaiser les tensions entre les communautés et de prévenir de nouvelles attaques.
En rapport avec ces évènements, une enquête judiciaire a été diligentée par la Brigade de Gendarmerie de Sévaré. 37 personnes ont été interpellées. Il est important qu’une suite judiciaire puisse être donnée à ces évènements. Le rapport final de ces enquêtes sera partagé avec le Gouvernement.
Quant aux évènements de Kidal du 18 avril, les manifestants ont mené des attaques dirigées contre les installations des Nations Unies à l’aérodrome de Kidal. J’ai personnellement dirigé une équipe composée de 6 chargés des droits de l’homme qui s’est rendue du 26 au 29 avril 2016 sur les lieux des évènements pour vérifier la situation et interviewer les leaders politiques et militaires ainsi que les manifestants. Il faut noter que deux manifestants ont été tués et 7 autres ont été blessés par des balles tirées par les forces de l’ONU.
Un rapport avec les principales conclusions et recommandations est actuellement en cours de finalisation. Toutefois, je tiens à souligner la préoccupation évidente du reste, exprimée déjà dans un communiqué de l’UNICEF, sur l’utilisation d’enfants retirés et transportés de deux écoles primaires vers le lieu de rassemblement principal des manifestants pour être utilisés comme boucliers humains.
Il est important de rappeler que les attaques délibérées contre les Nations Unies et ses installations peuvent être considérées comme des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité selon les circonstances des évènements. Il est aussi important qu’une enquête judiciaire puisse être diligentée et que la CMA puisse ouvrir une enquête interne.
Concernant la mission d’établissement des faits d’Inégar sur les allégations d’utilisation d’enfants par un groupe armé, les membres de la communauté touareg ont confirmé à l’équipe d’enquête de la Division des droits de l’homme que au moins 28 de leurs enfants dont 14 jeunes filles faisaient partie du groupe armé GATIA.
À titre de rappel, l’utilisation d’enfants par les groupes armés est une violation des instruments juridiques internationaux et un crime de guerre au regard de la loi nationale et internationale. A cet égard, la MINUSMA a écrit au Gouvernement le 4 mai pour exprimer ses préoccupations quant à cette situation.
Permettez-moi également de faire mention des récents progrès enregistrés par les institutions maliennes dans le domaine des droits de l’homme et de la lutte contre l’impunité.
Un développement important dans la lutte contre l’impunité a été la tenue des Assises criminelles à Mopti et Bamako qui ont permis d’examiner certains dossiers en lien avec la crise, y compris celles impliquant des individus qui ont bénéficié de libération dans le cadre de mesures de confiance. En date du 19 mai 2016, 17 de ces personnes libérées à la faveur des mesures de confiance ont été jugées par contumace et condamnées pour actes de terrorisme, enlèvement de personnes, séquestration, prise d’otages et association de malfaiteurs.
En ce qui concerne la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR), la Division des droits de l’homme a apporté son appui technique qui a contribué à son développement institutionnel. A l’heure actuelle, la Commission est déjà dotée de son document de stratégie d’intervention 2016-2018 ; de son Règlement intérieur ; de son organigramme global ; de sa fiche de déposition ; de son plan d’action 2016-2018 ; de son plan d’action annuelle 2016 ; et de plans d’activités de chaque sous-commission.
Nous avons noté la nomination au cours du Conseil des Ministre d’hier des 10 membres additionnels de la CVJR, qui passe de 15 à 25. Il importe que la Commission continue à assurer son indépendance.
Je voudrais conclure avec quelques exemples d’activités menées par la Division des droits de l’homme pour soutenir les institutions nationales et la société civile dans leurs efforts de promotion et protection des droits de l’homme, de la démocratie et de l’état de droit.
Par exemple, nous avons mis en place, en partenariat avec six (6) ONGs de défense des droits de l’homme, un fonds d’affectation à la protection des victimes de violences sexuelles. Ce fonds a pour objectif de faciliter l’accès à la justice des victimes des violences sexuelles liées au conflit et de leur garantir une protection ainsi qu’à leurs familles en cas de menaces liées à la procédure judiciaire.
La Division travaille aussi pour le renforcement des mécanismes nationaux de protection des droits de l’homme. Nous avons mené un plaidoyer auprès de l’Assemblée nationale et du Ministère de la justice et des droits de l’homme pour l’adoption de la nouvelle loi sur la Commission Nationale des Droits de l’Homme, afin que la Commission soit conforme aux standards internationaux, concernant en particulier son indépendance. Une table ronde avec les parlementaires est prévue à cet effet les 26 et 27 mai à Bamako.
Nous apportons un appui technique à la Cour constitutionnelle et au Réseau des parlementaires pour les droits de l’homme. Nous collaborons avec le Médiateur de la république auquel nous apportons aussi un appui continu pour le renforcement de son institution, y compris pour l’organisation de l’Espace d’Interpellation Démocratique (EID).
Enfin, concernant nos activités de renforcement de capacités, la Division, en partenariat avec la Mission de formation de l’Union européenne à Koulikoro (EUTM), a contribué à la formation de plus de 3,437 éléments des Forces de Défense et Sécurité Maliennes en matière des droits de l’homme et droit international humanitaire. Récemment, j’ai visité personnellement les locaux de l’EUTM à Koulikoro afin de discuter des moyens de renforcer notre partenariat et d’explorer de nouvelles avenues de collaboration.
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi avant de conclure en vous renouvelant mes assurances sur l’engagement de la MINUSMA et du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme pour la promotion et la protection des droits de l’homme, la lutte contre l’impunité et le renforcement de l’état de droit au Mali.
Pour finir, je vous prie d’observer une minute de silence à la mémoire de nos soldats de la paix des Nations Unies morts pour la paix au Mali et dans le monde
Je vous remercie de votre attention.
François Rihouay, France 24 et Radio Média,
J’ai une question sur les conflits intercommunautaires dans le cercle de Tenenkou, est-ce que vous avez les premiers éléments pour nous expliquer les causes de ce conflit ?
Guillaume Ngefa A. Andali, Directeur de la Division des droits de l’homme,
Représentant du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme au Mali,
Représentant du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme au Mali,Ce que je peux éventuellement dire, c’est d’abord le contexte, je crois que vous savez que les derniers évènements ont été provoqués par l’assassinat du Maire et de son ami et cela a été le fait déclencheur, ensuite il y a eu des sortes de règlements de compte. Il y a des individus qui ont essayé, disons de communautariser la question. Vous avez suivi dans mon intervention, je n’ai pas utilisé conflit intercommunautaire, j’ai parlé de conflit meurtrier ayant opposé la confrérie des Donso et des membres de certaines communautés, je pense que c’est important de le dire.
Ces évènements se sont passés dans un environnement et dans un contexte caractérisés par l’insécurité croissante dans cette région. C’est pour cette raison que l’enquête qui a été ouverte par les autorités maliennes et par la justice malienne avec l’arrestation de 37 personnes, pourra nous permettre effectivement de connaitre les raisons et les motivations réelles qui ont poussé ces gens à commettre évènements.
En ce qui concerne les causes, c’est assez difficile de le dire même s’il y a énormément de spéculations mais nous, nous nous en tenons aux faits et le fait déclencheur c’est cet assassinat qui a tout déclenché.
Odette Kwizera, MIKADO FM
Ma question est par rapport à la condamnation des 17 personnes dans le cadre de la lutte contre l’impunité et des mesures de confiance, est-ce que cela ne risque pas de jouer négativement contre la confiance qu’on a voulu avoir des groupes signataires de l’Accord de paix ?
Guillaume Ngefa A. Andali, Directeur de la Division des droits de l’homme,
Représentant du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme au Mali,
Je pense qu’on doit faire la différence entre le politique et le judiciaire. Les mesures de confiance ont été établies en vertu de l’article 18 de l’Accord préliminaire de Ouagadougou dans lequel pour faciliter le dialogue, les parties au conflit avaient demandé de libérer un certain nombre de personnes arrêtées dans le cadre du conflit.
Ce que nous avons fait au niveau de la MINUSMA c’est de nous assurer que les personnes impliquées dans les crimes graves, dans les crimes imprescriptibles, les crimes contre l’humanité, les actes de génocide s’il y en a, mais dans le cas d’espèce il n’y en a pas, que ces personnes ne puissent pas bénéficier justement d’une quelconque libération et qu’elles puissent être jugées.
Il y a eu des personnes connues pour leurs activités en relation avec les activités criminelles, terroristes et autres qui ont été libérées. Mais je pense que nous devons effectivement exprimer notre satisfaction que la justice malienne ait fait la différence en jugeant ces personnes en les condamnant conformément aux normes internationales, sinon le contraire aurait contribué justement à l’impunité et aussi à entretenir le climat d’impunité. Cela est une avancée et c’est pourquoi dans notre intervention, nous avons noté cela comme une avancée importante et nous pensons que ces avancées et ces développements vont continuer et que les personnes qui ont commis effectivement des crimes imprescriptibles parce qu’il s’agit de crimes imprescriptibles que ces personnes puissent être jugées.
Nous avons effectivement rencontré le Ministre de la Justice pour parler de ces cas et nous avons noté la détermination de la justice à faire sa part de travail dans l’expression démocratique, dans la lutte contre l’impunité et surtout dans le respect des victimes.
Source: MINUSMA
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